INTRODUCTION
4. Borghetti A, Monnet-Corti V. Chirurgie plastique parodontale. Editions CDP 2008.
Les anomalies d’éruption, notamment dans les situations d’encombrement ou de dystopies, fréquemment vestibulaires, favorisent un axe d’émergence dentaire déterminé par la situation prééruptive du germe soit au sein d’un parodonte fragile, soit au sein de la muqueuse alvéolaire. Cette dernière situation clinique provoque une maturation tissulaire incomplète, due à l’absence de la fusion épithéliale entre l’épithélium de jonction et l’épithélium gingival kératinisé. D’où un capital de gencive kératinisée très réduit favorisant les récessions parodontales (1, 2, 3). La qualité de la gencive kératinisée et la hauteur de gencive attachée doivent être prises en compte chez les enfants et les adolescents, surtout en situation pré et per-orthodontique.
CAS CLINIQUE
Un jeune patient, âgé de 14 ans, en bon état de santé générale, est adressé par son orthodontiste pour l’aménagement gingival de la 13 qui fait son éruption en position vestibulaire dans la muqueuse alvéolaire.
L’interrogatoire a révélé que le patient a consulté, 18 mois plutôt, pour une dysharmonie dento-maxillaire (DDM) et un retard d'éruption de la 13. Une radiographie occlusale montre l’encombrement responsable de la rétention de la 13 (Figure 1). Un traitement orthodontique a démarré, pour permettre la correction de la DDM , la normalisation du recouvrement incisif et la création d’un espace d’éruption pour la 13.
Figure 1 : Radiographie occlusale montrant l’encombrement responsable de la rétention de la 13 |
Le patient présente une asymétrie d’évolution entre les deux canines. La 23 a fait son éruption alors que la 13 est encore en position haute et fait son éruption dans la muqueuse alvéolaire (figure 2).
Figure 2 : asymétrie d’évolution entre la 13 et la 23 |
L’examen clinique révèle que le patient présente une hygiène orale insuffisante et une gingivite modérée généralisée. Par ailleurs, on note la présence d’une voussure vestibulaire en regard de la 13 qui est en position superficielle (sous muqueuse), elle présente un axe d’éruption vertical mais déporté du côté vestibulaire et fait son éruption dans la muqueuse alvéolaire. On note également un bandeau de gencive kératinisée coronairement à la dent en éruption (figure 3).
Figure 3 : éruption muqueuse de la 13 |
Sur la base de ces éléments cliniques, nous avons décidé de réaliser une exposition chirurgicale de la 13 associée à un lambeau déplacé latéralement et apicalement pour permettre l’éruption de la 13 dans un environnement parodontal favorable.
Dans un premier temps, nous avons réalisé des séances de motivation à l’hygiène buccodentaire et de contrôle de plaque pour contrôler l’inflammation gingivale. Ensuite un lambeau est réalisé, il est élevé à partir du tissu kératinisé disponible à proximité de la 13 ectopique (figure 4). Le tissu gingival est soulevé par décollement en épaisseur totale poursuivi par une dissection en muqueuse alvéolaire. Le lambeau est ensuite déplacé latéralement et apicalement, essayé, et enfin suturé par un point suspensif et des points séparés sur la berge externe (figures 5). Les conseils post opératoires sont donnés au patient, revu une semaine après (Figure 6) pour la dépose des fils de sutures.
Figure 4: schéma expliquant le tracé du future lambeau déplacé |
Figure 5 : lambeau déplacé latéralement et apicalemant et suturé |
Figure 6 : 1 semaine post opératoire |
Le contrôle à 6 mois montre que la dent a poursuivi son éruption, en direction occlusale, en bénéficiant d’un capital de tissu kératinisé adéquat (figure 7a et b). Permettant ainsi, lors du traitement orthodontique, la correction de l’axe de la dent, légèrement déportée du côté vestibulaire.
Figure |
DISCUSSION
Les anomalies de position dentaire, notamment dans les situations d’encombrement ou de dystopies, fréquemment vestibulaires, favorisent un axe d’émergence dentaire. Cet axe est déterminé par la situation prééruptive du germe soit au sein d’un parodonte fragile, soit au sein de la muqueuse alvéolaire, comme c’est le cas chez notre patient. Cette dernière situation clinique provoque une maturation tissulaire incomplète, due à l’absence de la fusion épithéliale entre l’épithélium de jonction et l’épithélium gingival kératinisé (4).
C'est au moment de l'émergence dentaire que les structures parodontales se répartissent harmonieusement ou non, autour de la dent. La mise en place du parodonte de la dent permanente s'effectue au cours d'une période prépubertaire composée d'une première phase de transition (de 6 à 8 ans) caractérisée par l'évolution des incisives permanentes et l'éruption des premières molaires permanentes, d'une période de latence (de 8 à 9 ans), d'une deuxième phase de transition (de 9 à 12 ans) correspondant à la mise en place des prémolaires et canines, et d'une période pubertaire au cours de laquelle les réponses des structures parodontales sont accrues (5).
Sachant que le point d'émergence détermine de façon irréversible la quantité de tissu kératinisé qui entoure la dent, sa localisation précoce permet de prévoir l'environnement parodontal. La situation de normalité est définie lorsque l'émergence de la dent s'effectue au milieu du procès alvéolaire.
Lorsque la dent permanente perce au milieu du tissu gingival, l'épithélium de jonction se maintient au-dessus de la jonction émail-cément. Elle fusionne, par la suite, avec l'épithélium gingival fixé sur l'émail pour constituer le système d'attache conjonctif. Ce dernier assure le maintien de l'épithélium de jonction et prévient la migration apicale (6).
Dans le cas ou l’émergence se fait dans la muqueuse alvéolaire, l'épithélium de jonction se situera au niveau de la jonction émail-cément (7) et ne pourra pas fusionner avec l'épithélium gingival kératinisé sous-jacent absent. La formation du parodonte marginal, constitué de l'os alvéolaire cervical et de l'attache conjonctive, sera défectueuse.
Dans notre cas, le lambeau déplacé apicalement et latéralement est préconisé, pour créer un environnement parodontal idéal autour de la 13 en éruption, vu la disponibilité d’une quantité suffisante de tissu kératinisé apicalement et latéralement par rapport à la dent.
L’importance et la nécessité d’une quantité suffisante de tissu Kératinisé ont été longtemps discutées(8, 9) Les différentes études ont montrées qu’une zone adéquate de gencive attachée peut prévenir l’apparition de récessions tissulaires marginales (10). En effet lorsque ce capital de gencive attachée est très réduit, l’inflammation peut être à l’origine d’une récession (1, 2, 3)
Une attention particulière doit être portée à l’environnement muco-gingival de la dent émergente, pour tenter autant que possible de préserver ou renforcer le bandeau de tissu kératinisé existant pour ne pas avoir à traiter des défauts pouvant être évités (11, 12, 13) (27% des dents faisant leur éruption dans la muqueuse alvéolaire, présentent des récessions tissulaires marginales (14)).
Cette technique d’exposition constitue le traitement de choix, permettant de préserver l’intégrité du parodonte et de préparer le contexte muco-gingival de la canine en éruption.
L’abstention peut être envisagée, quand le traitement orthodontique permet, à lui seul, l’aménagement du complexe muco-gingival autour de la dent en éruption, ce qui n’est pas possible chez ce jeune patient vu que la dent fait son éruption dans la muqueuse.
CONCLUSION
L’importance de la gencive attachée dans le maintien de la santé parodontale, en cas de déplacements orthodontiques, est maintenant bien établie. Une attention particulière doit être portée à l’environnement muco-gingival de la dent émergente pour tenter autant que possible de préserver ou renforcer le bandeau de tissu kératinisé existant, pour éviter des défauts muco-gingivaux une fois la dent sur l’arcade.
Biographie
M. Rerhrhaye*1, w. Rerhrhaye**2, L. Benrachadi***1
* Résidente, **Professeur agrégé, *** Professeur de l’enseignement supérieur
1 Service Parodontologie, 2 Service Orthopédie Dentofaciale
Faculté de Médecine Dentaire de Rabat
Références :
1. Oh SL. Attached gingiva: Histology and surgical augmentation. Gen Dent. 2009 Jul-Aug; 57(4): 381-5.
2. Ericsson I, Lindhe J. Recession in sites with inadequate width of the keratinized gingiva. An experimental study in the dog. J Clin Periodontol. 1984 Feb; 11(2):95-103.
3. Baker DL, Seymour GJ. The possible pathogenesis of gingival recession. A histological study of induced recession in the rat. J Clin Periodontol. 1976 Nov; 3(4): 208-19.
4. Borghetti A, Monnet-Corti V. Chirurgie plastique parodontale. Editions CDP 2008.
5. Mombelli A, Gusberti FA, Oosten MC, Lang NP. Gingival health and gingivitis development during puberty. A 4-year longitudinal study. J Cl in Periodontol 1989, 16: 451-6.
6. J-M Korbendau. Chirurgie parodontale orthodontique. Editions CDP; 1998.
7. Oschenbein C, Maynard JG. The problem of attached gingiva in children. J Dent Child 1974,41: 263-72.
8. Lang NP, Löe H. The relationship between the width of keratinized gingiva and gingival health.J Periodontol. 1972 Oct; 43(10): 623-7.
9. Wennström J, Lindhe J, Nyman S. The role of keratinized gingiva in plaque-associated gingivitis in dogs. J Clin Periodontol. 1982 Jan; 9(1): 75-85.
10. Nevins M. Gencive adhérente – thérapie muco-gingivale et dentisterie restauratrice. Rev Int Parodont Dent Rest 1987; 1 :37-51.
11. Detienville R, Sauvan JL, Jeanne C. chirurgie moco-gingivale et éruption dentaire. J Parodont 1993; 12(2) : 163-174
12. Sauvan JL, Miller P. chirurgie plastique parodontale pré-orthodontique et remaniements tissulaires chez l’enfant et l’adolescent. J Parodont 2000; 19 : 267- 277.
13. Isamili Z, ENNIBI OK, Benrachadi L, Azeroual F, Cherkaoui A, Benzarti N. Les techniques de dégagement des canines retenues. Act Odonto- Stomato 2006; 233 : 25- 39.
14. Monnet Corti V, Borghetti A. Chirurgie plastique parodontale et orthodontie. J Parodont 2000; 19(Hors-série) : 253-266.
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