un cas particulier dans la restauration du sourire de nos patients
Les facettes pelliculaires de céramique permettent tout à la fois un respect biologique élevé, une économie tissulaire importante et des qualités esthétiques jusqu’à présent inégalées. Les facettes sans préparation s’inscrivent le plus souvent dans des cas de compromis où le patient insatisfait de son aspect esthétique ne peut pour autant envisager un long traitement orthodontique. Ces facettes sont réalisées en surcontour vestibulaire, elles compensent des malpositions ou des anomalies dentaires morphologiques. Leur validation s’établit à la suite de la réalisation d’un masque préprothétique qui préfigure la restauration finale. Les facettes sans préparation constituent des cas particuliers d’indications relativement rares et ne doivent évidemment pas se généraliser à la réalisation de tous les cas de facettes pelliculaires.
Cas clinique
Cette patiente âgée de 35 ans consulte pour un motif esthétique. Elle souhaite améliorer l’alignement et la forme de ses incisives qu’elle trouve disharmonieuses. Elle présente d’un point de vue occlusal une classe 2 division 2 d’Angle avec une abrasion marquée des faces palatines et des bords des incisives supérieures (Fig. 1).
Une encoche occlusale parafonctionnelle est visible sur 12. L’angle très négatif des deux incisives centrales supérieures rend les embrasures incisales anormales et peu esthétiques par rapport aux dent voisines.Un traitement orthodontique suivi de facettes collées sur 11 et 21 est proposé à la patiente ce qu’elle refuse catégoriquement. Elle nous demande s’il est possible d’améliorer sans orthodontie l’esthétique de ses incisives, nous lui proposons alors une étude par la technique des masques de composite.
La validation du projet esthétique
Dans le cas de dysharmonies traitées par des facettes, aucune décision ne peut être prise sans la réalisation d’un masque de composite lors de la première séance de consultation. Le composite est appliqué sur les dents sans collage ni mordançage de l’émail pour pouvoir être retiré facilement. Il est modelé à l’aide d’un pinceau imprégné de bonding jusqu’à obtenir un résultat esthétique agréable (Fig. 2).
Le masque est enfin présenté à la patiente et, si nécessaire, modifié pour arriver à son accord total sur le projet esthétique. Avant de le retirer et de nettoyer les dents, une empreinte à l’alginate peut être prise afin de réaliser des coquilles de résine provisoires qui seront adaptés en fin de séance de préparation des facettes.
La détermination des limites et le modèle de travail
Les épaisseurs des restaurations sont contrôlées sur les masques retirés à l’aide d’un compas d’épaisseur d’Ivanson. Le plus souvent, aucune préparation n’est nécessaire, car le réalignement des dents dans une classe 2 division 2 nécessite en général plus d’un millimètre de surcontour axial. Il est parfois utile de dépolir les zones cervicales et proximales pour que le prothésiste visualise sans ambigüité sur le plâtre les limites souhaitées pour la céramique.
La figure 3 montre l’utilisation des embouts Perfect Margin® d’Acteon pour situer ces limites cervicales. Ces embouts diamantés ultrasonores sont des instruments innovants de préparations et de finition en prothèse fixée. Le dépolissage en surface de l’émail a un autre avantage : une fois la couche aprismatique éliminée, l’émail est plus réactif qu’après un simple mordançage à l’acide orthophosphorique (Fig. 3).
L’empreinte
L’empreinte est réalisée par une technique de double-mélange au vinyl polysiloxane. Elle ne présente aucune difficulté, car les limites des futures facettes sont supra-gingivales. La seule précaution importante est de combler les embrasures palatines à l’aide de ciment Cavit® de 3M Espe ou mieux d’Opal Dam® de Bisico pour ne pas déchirer les papilles proximales de silicone. En effet, les points de contact proximaux n’étant pas préparés, le silicone qui passe sous le point de contact peut être arraché entrainant une partie de la surface d’empreinte d’embrasure et une impossibilité de lecture correcte des limites dans cette zone. Les cordonnets rétracteurs sont laissés en place lors de l’empreinte (Fig. 4).
Le modèle de travail est coulé en Fuji Rock® de GC ainsi qu’un deuxième modèle qui sert à conserver la forme de la gencive pour adapter le profil déflecteur des facettes selon le principe, classique en prothèse fixée, de l’aile de mouette d’Abrams.
Les essais cliniques & collage
Les facettes qui ici sont réalisées en céramiques feldspathiques, sont contrôlées une à une et les points de contact proximaux sont réglés si nécessaire. Le collage s’effectue toujours facette par facette pour éviter des erreurs de positionnement. Le prothésiste doit tenir compte de l’empreinte des masques et de l’empreinte des facettes provisoires qui ont été validés en bouche pour régler le volume et la longueur des facettes de céramique. Sur cette patiente, un chips de céramique sans aucune préparation est collé sur l’encoche para-fonctionnelle de 12. Notez le rallongement et l’épaississement important de 11 par rapport à 21. Pour la préparation de la céramique au collage, un gel d’acide fluorhydrique à 5 % est utilisé (Céramic Kit® d’Ivoclar) suivi de l’application d’un silane et d’une couche d’adhésif non polymérisé.
La maturation gingivale
Dans la technique des facettes collées en surcontour axial, les embrasures cervicales deviennent plus profondes du fait de l’épaississement des dents. Au début peu esthétique, car déshabité par les papilles proximales, ces espaces sont rapidement comblés par l’épaississement gingival qui suit la mise en fonction et la déflexion alimentaire par les nouvelles morphologies coronaires.
La figure 6 montre cette maturation gingivale à six mois qui rend indécelables les restaurations de céramique collées. La durabilité de l’état de surface glacé de la céramique (peu propice à l’accumulation de plaque bactérienne) est le garant d’une bonne biocompatibilité à long terme.
Le résultat final
Les changements dans l’harmonie du sourire sont parfaitement visibles sur ces photos pré et post-opératoires (Fig. 7).
Ils portent sur plusieurs points. Tout d’abord, la verticalisation des incisives centrales projette le sourire en avant en accentuant la dominance de ces incisives dans la composition de l’arc dentaire antérieur. Le rallongement des dents (ici d’environ un millimètre) améliore la convexité de la ligne incisive qui suit mieux le contour de la lèvre. Enfin, la projection des deux incisives centrales repositionne le bord de la lèvre inférieure lors du sourire qui devient beaucoup plus harmonieux que dans la photographie initiale (Fig. 7 en haut au milieu) où le rebord de la lèvre était pincé dans les embrasures incisales de chevauchements. Les aspects d’usure et les altérations de teinte des dents initiales ont été masqués par les facettes de céramique collées en surépaisseur.
Conclusion
Les succès des indications de facettes collées sans préparation reposent sur l’analyse esthétique pré-prothétique qui définit les objectifs à atteindre. La technique des masques de composite est incontournable : elle permet de prévisualiser le résultat final. L’acceptation par le patient et son entourage des modifications esthétiques importantes du sourire doit être acquise avant de commencer le traitement. Les facettes sans préparation constituent un compromis esthétique qui doit être mis en balance avec les possibilités des traitements orthodontiques rapides de l’adulte en particulier avec l’apport des mini-vis orthodontiques. Ce type de traitement est particulièrement fiable, car le collage est totalement amélaire ; de plus, il ne perturbe pas la fonction, car les facettes pelliculaires sont réalisées sans retour palatin avec conservation des guidages naturels du patient. Ce type de traitement se situe totalement dans les concepts d’une nouvelle dentisterie moins mutilante, plus esthétique et bénéficiant des apports du collage
source Dr Jean-François LASSERRE
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