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Les Cardiopathies: Classification,Risques et prévention


Les patients atteints de maladie cardio-vasculaire sont souvent amenés à consulter au cabinet dentaire et à subir des soins qui peuvent avoir une incidence sur leur état de santé général. De ce fait, la prise en charge de ces patients à risque impose au chirurgien dentiste une collaboration avec le cardiologue afin de connaître le type de cardiopathie et ce pour prévenir les risques pouvant être encourus par ces patients :

-          le risque infectieux ;
-          le risque hémorragique ;
-          le risque syncopal.
Le risque infectieux ou oslérien  (l’endocardite infectieuse)
Définitions
§         L’endocardite infectieuse
Elle est définie comme étant la greffe d’un agent pathogène sur un endocarde sain ou antérieurement lésé (9) et plus particulièrement sur les valves (15).
Le germe provenant d’une porte d’entrée variable est véhiculé jusqu’au cœur par voie sanguine déterminant ce qu’on appelle : « la bactériémie » (6).
§         La bactériémie
C’est le passage transitoire de bactéries dans la circulation sanguine à partir d’une porte d’entrée dont la cavité buccale est la plus fréquente (14-5).
La bactériémie peut être : (5-1)
-          spontanée : se produisant, à partir d’un foyer infectieux, lors de la mastication ou du brossage dentaire,
-          provoquée : par tout acte dentaire saignant en fonction du degré de septicité buccale. C’est pourquoi le praticien ne doit pas ignorer la cardiopathie de son patient et le risque de cette bactériémie provoquée vu qu’elle peut entraîner une endocardite infectieuse 30 min après l’acte.
Classification des cardiopathies en fonction du risque
Selon la conférence de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) en 1992 (4), les recommandations de l’American Heart Association (AHA) en 1997 et de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en 2002 (3), on distingue:  
§         Cardiopathies à haut risque
-          Porteurs de prothèses valvulaires
-          Antécédents d’endocardite infectieuse
-          Cardiopathies congénitales cyanogènes
-          Patient candidat à une chirurgie cardiaque
§         Cardiopathies à risque
-          Valvulopathies : insuffisance aortique, rétrécissement mitral, bicuspidie aortique et insuffisance mitrale ;
-          Cardiopathies congénitales non cyanogènes sauf communication interauriculaire
-          Dysfonctions valvulaires acquises
-          Prolapsus de la valve mitrale et/ou épaississement valvulaire
-          Cadiomyopathie obstructives.
N.B : Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) représente une cardiopathie à risque et nécessite les mesures préventives d’endocardite infectieuse.
Les patients présentant des antécédents de RAA seront considérés comme des patients à risque s’ils présentent une atteinte valvulaire séquellaire (avis du médecin traitant) (9).  
§         Cardiopathies sans risque oslérien
-          Cardiopathies ischémiques, hypertensives ou dilatées
-          Communication interauriculaire
-          Pontage coronaire de shunt sans communication résiduelle depuis 6 mois
-          Prolapsus valvulaire mitral à valves fines sans souffle
-          Stimulateurs cardiaques
-          Défibrillateur implantable
-          Calcification de l’anneau mitral
-          Maladie de Kawasaki sans dysfonction valvulaire
-           Polyarthrite rhumatoide sans dysfonction valvulaire
Précautions à prendre face au  risque infectieux chez le cardiaque
Elles visent à réduire la bactériémie spontanée et provoquée par l’application des mesures de prévention de l’endocardite infectieuse (6-3-7-13):
  • contact avec le médecin traitant (afin de connaître le type de cardiopathie et les médicaments en cours) ;
  • instauration d’une hygiène bucco-dentaire rigoureuse ;
  • recherche et éradication de tout foyer infectieux. Ainsi, en fonction du risque, il faut (14-8) :
   chez les patients à haut risque
    • Pour les dents présentant une atteinte parodontale, réaliser le débridement mécanique (détartrage, surfaçage radiculaire) sous antibioprophylaxie en minimisant au maximum le nombre de séances. Ce débridement a pour objectif d’assainir et de maîtriser les foyers infectieux parodontaux. La décision d’extraire ou de conserver des dents présentant des poches parodontales se fait en fonction du cas (degré d’hygiène, motivation du patient, nombre de dents restantes, réponse tissulaire, valeur de la dent …) et parfois après réévaluation parodontale. Ne seront gardées à la fin du traitement que les dents avec un parodonte sain ou assaini ;
    • extraire les dents présentant une atteinte pulpaire sous antibioprophylaxie;
    • contre-indiquer l’extraction des dents incluses profondes ne présentant pas de risque de désinclusion ou de péricoronarite ;
    • contre-indiquer la chirurgie parodontale, les implants et la chirurgie péri-apicale ;
chez les patients à risque 
    • pour les dents présentant une atteinte parodontale : idem que pour les patients à haut risque;
    • les traitements endodontiques peuvent être réalisés, mais seulement pour les monoradiculées, en une seule séance, sous digue et sous antibioprophylaxie;
    • la chirurgie parodontale, les implants et la chirurgie péri-apicale sont contre-indiqués.
- Les patients sans risque seront traités sans précautions particulières vis-à-vis du risque infectieux.
  • La prescription d’une antibioprophylaxie indiquée en cas d’actes saignants se fait selon le protocole suivant (conférence de consensus de la SPILF):
     - amoxicilline 3g par voie orale 1h avant l`acte ou 2g en cas d’intolérance gastrique à l’amoxicilline ou si le poids est inférieur à 60 kg.
      - en cas d’allergie aux β lactamines :
·   600 mg de clindamycine par voie orale 1h avant l’acte (Dalacine® 300 (2cp))
·   1g de pristinamycine par voie orale 1h avant l’acte (Pyostacine® 500 (2cp))
  • Si plusieurs séances de traitement sont prévues, il faut respecter un intervalle minimal de 10 à 15 jours entre chaque séance et alterner l’antibiotique (amoxicilline ; clindamycine ; pristinamycine) ;
  • application d’antiseptiques en pré-opératoire : rinçage pré-opératoire avec un bain de bouche à base de chlorhexidine ;
  • agir de la manière la moins traumatisante possible.

Le risque hémorragique
Il concerne les patients cardiaques sous anticoagulants (héparine ou anti-vitamines K) et également les patients sous anti-agrégants plaquettaires.
Les anticoagulants et anti_agrégants plaquettaires 
 Ils sont généralement prescrits par le cardiologue en présence d’un risque thrombo-embolique (thrombose veineuse, thrombose artérielle, prothèse valvulaire, infarctus récents ou antécédents d’infarctus) (2).
§         Les anticoagulants 
Ø      Héparine (calciparine®, Lovenox®): administrée par voie intraveineuse ou sous-cutanée, elle a une action anticoagulante immédiate (16). Sa durée d’action est de 8 à 12 h.
Ø      Anti-vitamines K (Sintrom®): par voie orale, elle permet un effet anticoagulant prolongé (2) (Sintrom® a une durée d’action de 3j).
§         Anti-agrégants plaquettaires 
Ø      Aspirine: après son arrêt, le retour à la normale se fait au bout de 7-10 j.
Ø      Ticlopidine (Ticlid®) : antihémostatique et antiagrégant plaquettaire. Son action est plus importante par rapport à l’aspirine.
Précautions à prendre face au risque hémorragique (9-15-16-11)
-          effectuer un interrogatoire destiné à rechercher une éventuelle prise d’anticoagulants ;
-          prendre contact avec le médecin traitant pour avis et pour connaître le type de cardiopathie et la médication en cours ;
-          pour les patients sous anti-vitamines K : demander un bilan de coagulabilité pour le jour de l’acte : TP (Taux de Prothrombine) et INR (International Normalized Ratio).
Pour un sujet sain : TP= 70-100%, INR< 1,2.
§   Si TP≥ 30%  et INR≤ 2 : les actes saignants peuvent être réalisés en utilisant les moyens locaux d’hémostase ;
§   Si pour des raisons médicales, l’INR doit être maintenu > 2 (TP ≤ 30%), l’acte thérapeutique entraînant un risque hémorragique doit être réalisé en milieu hospitalier.    Un relais à l’héparine peut être également préconisé par le cardiologue (des injections d’héparine sont effectuées toutes les 12 heures en même temps que la prise des anti-vitamines K. Lorsque l’INR est stabilisé sur un allongement correct, le cardiologue peut supprimer les anti-vitamines K). Le praticien peut agir alors à la fin de l’action de la dernière injection de l’héparine (environ 12 heures). Les injections pourront être reprises quelques heures  après l’intervention en fonction de l’importance de celle-ci.
-          Pour les patients sous aspirine ou ticlopidine : demander le temps de saignement (TS) qui doit être inférieur à 10 min selon la méthode Ivy. Le traitement doit être interrompu 8 jours avant l’acte opératoire, et la reprise ne se fera qu’après cicatrisation. En cas d’urgence, le trouble hématologique sera corrigé par un apport de plaquettes ;
-          lors de l’acte opératoire :
·         éviter tout traumatisme,
·         éliminer les tissus de granulation et les débris osseux,
·         utiliser les moyens locaux d’hémostase : compression post-chirurgicale, sutures   hermétiques, colles chirurgicales, gouttière compressive, éponges hémostatiques.
·         si un bain de bouche est prescrit après un acte saignant, ne le débuter qu’après 24h pour éviter un saignement ;
-          concernant la prescription médicamenteuse :
·         les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et l’aspirine sont contre-indiqués chez les patients sous anticoagulants.
·         Les tétracyclines et les barbituriques sont contre-indiqués chez les patients sous anti-vitamines K car ils potentialisent leur effet.
Le risque syncopal
Définition 
 La syncope est un arrêt cardio-respiratoire de très courte durée avec perte de conscience complète survenant de manière brutale (12).
Les cardiopathies prédisposant au risque syncopal (15)
-          Les cardiopathies ischémiques ;
-          les valvulopathies ;
-          les cardiopathies congénitales ;
-          le rétrécissement valvulaire aortique.
Prévention de la syncope (10-15)
-          Interrogatoire pour déceler s’il s’agit d’un patient à risque syncopal ;
-          préparation psychologique ;
-          préparation sédative pour réduire le stress : hydroxyzine (Atarax® 25) ou diazépam (Valium® 5 mg : 1 cp la veille et 1cp 1h avant l’acte) ;
-          lors de l’acte opératoire :
·         température ambiante modérée ;
·         ne pas intervenir sur un patient fatigué ou à jeun ;
·         le patient doit être confortablement installé, en position allongée pour favoriser la vascularisation cérébrale;
·         lors de l’anesthésie : utiliser une seringue avec système d’aspiration, la carpule doit être tiédie, l’injection doit être lente et pour les vasoconstricteurs les utiliser sans dépasser 0,04mg (4 carpules) ;
·         éviter de provoquer une douleur ;
·         éviter les interventions longues ;
·         surveiller le patient dans la demi-heure  qui suit l’acte.
Traitement de la syncope (15)
Face à une syncope, il faut :
-          arrêter les soins ;
-          appeler une équipe médicale ;
-          assurer la vacuité de la cavité buccale ;
-          mettre le patient en position allongée avec la tête en hyperextension ;
-          procéder à la percussion thoracique en donnant un coup de point dans la région sternale basse. Si ce geste est inefficace, on procède au massage cardiaque externe qui sera accompagné d’une ventilation artificielle par bouche à bouche ou en utilisant un appareil spécial, ou alors procéder à une injection sous-cutanée d’atropine à raison de 0,5 mg.
 Conclusion
La prise en charge du patient cardiaque au cabinet dentaire doit être basée sur une étroite collaboration avec le cardiologue afin de connaître le type de risque encouru par le patient et d’établir un plan de traitement réfléchi et adapté. Par ailleurs, tout praticien dentiste doit connaitre parfaitement les précautions à prendre, lors de la prise en charge de ces patients à risque, selon les soins envisagés et en fonction du risque.
La prise en charge bucco-dentaire et surtout parodontale des patients cardiaques à risque infectieux revêt un grand intérêt. Elle permet de réduire le taux de bactériémie occasionnée par la maladie parodontale, et par conséquent de diminuer le risque d’endocardite.

REFERENCES

  1. CASSIA A., EL-TOUM S. « Endocardite infectieuse à porte d’entrée orale. Deuxième partie : étiopathogénie », Rev Odonto Stomatol 2000; 1 : 33-39.
  2. CATHELIN M. « Patients sous anticoagulants : quelle attitude adopter devant un acte de chirurgie buccale ? », Act Odonto Stomatol 1996;196 : 549-557.
  3. Communiqué de l’AFSSAPS « Prescription des antibiotiques en odontologie et stomatologie, méthodologie et recommandations »,  Act Odonto Stomatol 2002 ; 219 : 353-358.
  4. Communiqué de la SPILFla SFC, l’ADF et l’ANAES « Prophylaxie de l’endocardite infectieuse, recommandations 2002 (révision de la conférence de consensus de mars 1992), Act Odonto Stomatol. 2003; 221 : 59-74.
  5. DESCROZAILLES C. « Prévention de l’endocardite infectieuse d’Osler en pratique dentaire chez les malades atteints de cardiopathie congénitale ou valvulaire acquise », Inf Dent 1989; 18 : 1521-1525.
  6. DESCROZAILLES J M., DESCROZAILLES CH., ZEILIG G., RAGOT J P., BOYLEFEVRE M L., MAMAN L., SAPANET M. « Prophylaxie des endocardites infectieuses à porte d’entrée bucco-dentaire », Encycl Méd Chir, 1993, 22043R10, 6p.
  7. EJEIL A L., MAMAN L., RAGOT J P, WIERZBA C B.  « Endocardites et odontologie, révision de la conférence de consensus de mars 1992 », Act Odonto Stomatol 2003; 221 : 51-58.
  8. EL-TOUM S., CASSIA A. « Endocardite infectieuse à porte d’entrée orale, troisième partie : considérations thérapeutiques », Rev Odonto Stomatol 2000;1 : 41-47.
  9. GIRARD P., JEANDOT J., QUEVAUVILLIERS J., PERLEMUTER L. Dictionnaire médical du chirurgien dentiste. Ed Masson, Paris 1997.
  10. LITTLE J W., FALACE D A., MILLER C S., RHODUS N L. « Dental management of the medically compromised patients », Mosby 5 th edition 1997.
  11. MADINIER L., APERT-FLORY A., MONTEIL R A. « Surveillance biologique des patients sous anti-coagulants : anti-vitamines K et taux normalisé international. J Parodontol Implant Orale 1997; 1 :7-13.
  12. NOTO R., CAVAILLON J P., GIRARD P. « Abrégé des urgences médicales au cabinet dentaire ». Ed Masson, Paris 1985.
  13. RAGOT J P. « Antibiothépapie et antibioprophylaxie : le point sur les dernières recommandations en date », Act Odonto Stomatol 2003; hors série, 13-21.
  14. REVOL J., REVOL E. « Prévention de l’endocardite infectieuse et chirurgie dentaire », Chir Dent Fr 1993;667 : 29-31.  
  15. ROCHE Y. Chirurgie dentaire et patients à risque. Evaluation et précautions à prendre en pratique quotidienne. Ed Flammarion Médecine-Sciences, Paris 1996.
  16. ROSE L F., GENCO J G., COHEN D W., MEALEY B L. « Periodontal medecine », B. C. Decker, 2000.

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